1862, le commencement

En décembre 1862, Napoléon III décide de redessiner la frontière entre la France et la Suisse. Le traité des Dappes est alors rédigé, mais ne sera ratifié qu’en février 1863.

C’est entre ces deux dates qu’un certain Ponthus, dont le terrain était concerné par ce nouveau découpage, décide de construire une maison sur le tracé, et ce malgré les mises en gardes des autorités suisses. Une aubaine pour ses affaires de contrebande !

Coup de chance, le traité stipulera qu’il ne portera aucune atteinte aux droits acquis au moment de l’échange des ratifications. Ponthus peut alors garder sa maison debout. Il en fera un bar côté français et un magasin côté suisse, une situation idéale pour ses activités de contrebandier.

Rempart de la résistance

Ponthus meurt en 1895. Transformé en hôtel par ses fils, le bâtiment sera repris par son fils Jules-Joseph Arbez en 1921 et baptisé « Hôtel Franco-Suisse ». Une nouvelle page à succès s’écrit, dans une époque en plein essor pour les sports d’hiver.

La seconde guerre mondiale changera la donne. La ligne de démarcation entre la zone occupée par les allemandes et la zone libre passe juste devant l’hôtel. Dés 1940, Max Arbez, le fils de Jules-Joseph, profite de la situation et de l’agencement exceptionnels de l’hôtel pour faire passer des juifs, des fugitifs ou encore des pilotes anglais. L’hôtel devient alors un haut lieu de la résistance. 

Max Arbez et son épouse Angèle, facilitèrent le passage de plusieurs centaines d’hommes et femmes, et seront remerciés en personne par le Général de Gaulle pour leurs actes de bravoure et de résistance.

Naissance de l’Arbézie

Au sortir de la guerre, l’établissement réouvre au public et reprend une activité normale. La Suisse, quant à elle, demande à revoir le tracé de la frontière, en vain. Les autorités suisses et françaises conviendront d’un accord, l’hôtel sera considéré comme suisse par les français et français pour les suisses. Une situation inédite, qui vaudra son nom d’« Arbezie » par Edgar Faure, alors député du Jura.

Max Arbez, dans un élan d’humour, autoproclama la principauté d’Arbézie en 1958. Max 1er dota sa micro-nation d’un drapeau triangulaire, comme la forme du terrain, et d’un blason en forme d’épicéa rouge sur fond jaune.

Accords d’Evian et reconnaissance

En 1962, la guerre d’Algérie prend fin lors de la ratification des Accords d’Evian. Un évènement historique, qui prit sa source en Arbézie. En effet, les différents négociateurs prirent place dans la principauté pour les préliminaires de ce traité. Les autorités françaises venant du Jura et les représentants du Front de libération national algérien depuis Vaud, en Suisse.

Décédé en 1992, Max Arbez légua à sa famille un lieu, certes insolite, mais chargé d’histoire et de valeurs.

Alexander Lande, un juif hollandais sauvé par Max Arbez, entrepris quelques années plus tard des démarches auprès du mémorial Yad Vashem de Jérusalem pour faire reconnaître Max Arbez, Juste parmi les nations. Ce fut le cas le 22 avril 2012, lors d’une cérémonie à titre posthume. Son épouse Angèle, 103 ans, reçue la médaille d’honneur au nom de son mari, en février 2013.